Une vague océanique qui déferle puissament en gigantesques projections liquides, une goutte
qui s'écrase sur le sol ou rebondit en une myriade de gouttelettes,
une bulle qui explose à la surface de l'eau en un délicat brouillard
de gouttelettes microscopiques: autant de problèmes
de mécanique des fluides qui mettent en jeu des surfaces libres:
le liquide est limité par une surface mobile, et la détermination
de cette surface fait partie du problème. Ceci accroît d'autant
la difficulté mathématique du problème. Notre équipe
a développé une expérience importante dans la simulation numérique c'est à dire dans le traitement
du suivi de surface numérique adapté au traitement des gouttes
et des bulles. De la sorte, la simulation numérique du problème
devient possible: le calcul sur ordinateur permet une reproduction de la
réalité, ce qui enchante le scientifique curieux, et ne manque pas
d'applications.
Dans ce qui suit nous discutons les thèmes suivants:
Les processus d'atomisation qui mettent en jeu le développement d'instabilités à la surface d'un ou de plusieurs jets à grande vitesse. Ce processus est d'une grande
importance pour la combustion de liquides rencontrée dans de nombreux dispositifs, notamment aérospatiaux. En effet, la combustion de carburants liquides requiert leur cassure préalable en gouttes
suffisamment petites pour s'évaporer rapidement. Il s'agit d'une application très importante
de l'atomisation. Nous avons réalisé de nombreuses simulations d'atomisation.
L'impact
d'une goutte
sur une paroi ou un autre liquide est surtout connu
par ses utilisations publicitaires, qui en ont fait une sorte d'icône culturelle contemporaine.
C'est néanmoins un problème
intéressant de nombreuses applications. En agriculture, l'impact
des gouttes de pluie sur un sol sec ou humide mène à des
imprégnations plus ou moins importantes du sol. L'impact de gouttes
d'aérosol chargées en produits de traitement agricole mérite
aussi l'attention. Dans la technologie des moteurs et de la combustion
à carburants liquides, le rebond des gouttelettes sur les parois
de la chambre et des circuits en amont modifie leur taille et par conséquent
les caractéristiques de la flamme.
Dynamique des bulles et autres thèmes: la dynamique des bulles est un sujet d'aplications très variées, dans
la technologie des centrales, en génie des procédés, en biologie, en océanographie et
en climatologie.
Un des phénomènes frappants découverts ces dernières
années est la sonoluminescence dans laquelle une bulle excitée
de façon acoustique émet un flash lumineux très bref,
visible à l'oeil nu. Les oscillations de la bulle sont liées
à de nombreux phénomènes: stabilité
d'une bulle oscillante, formation de jets dans les cavités. Ces phénomènes
sont liés à l'endommagement des
circuits hydrauliques ou des aubes de turbine par cavitation.
Méthodes Numériques: Nous avons développé des méthodes numériques basées sur les idées de suivi d'interface
par volume de fluide et de fonction de hauteur. La méthode de volume de fluide est une méthode de suivi d'interface quelque peu similaire à la méthode des lignes de niveau (level-set) elle permet un
suivi explicite de l'interface qui reste robuste lors de changements de topologie et conserve la masse à la précision machine. Elle a été combinée avec les méthodes de fonction de hauteur et le raffinement en oct-arbre dans le code Gerris.
Nous avons étudié à deux et trois dimensions l'instabilité d'une interface liquide-gaz dans un écoulement cisaillé. Ces instabilités sont la cause de l'atomisation d'un jet liquide près de l'orifice d'un injecteur. Elles jouent par conséquent un rôle important dans l'étude des dispositifs de combustion à réactifs liquides. Un des aspects fondamentaux de l'étude de cette instabilité est la théorie linéarisée des petites perturbations d'un écoulement parallèle à deux couches liquide et gaz (théorie de Orr-Sommerferld en densité variable) . Cette théorie est impossible à exprimer de façon entièrement analytique et une résolution numérique des équations de Orr-Sommerfeld est nécessaire. Le travail de Ph. Yecko et Th. Boeck a montré des phénomènes non observés dans les publications antérieures, notamment l'existence de modes nouveaux d'instabilité (Yecko et Zaleski 1999, Yecko, Zaleski & Fullana 2002, Boeck & Zaleski 2005, Boeck et al 2007, Bague et al. 2010, voir les références sur l'atomisation.)
Au delà du développement
linéaire des petites perturbations, les expériences et les
calculs numériques révèlent des phénomènes
très importants. Des structures en forme de langues ou de fibres sont observées.
Les structures
observées numériquement sont très voisines de ce qui
est observé dans les expériences, notamment celles de Lasheras
ou de Hopfinger, Raynal et Villermaux. Ce travail s'applique aussi à
l'étude de l'atomisation dans les jets d'injecteurs
Diesel. Dans ce contexte nous avons obtenu l'image ci dessus.
Nous avons étudié les impacts de gouttes
sur surface liquide et solide de manière
entièrement tridimensionnelles, ainsi que de manière axisymétrique, voir
les réferences les impacts de gouttes.
Des impacts de gouttes se produisent dans de très nombreux phénomènes naturels
et applications industrielles. Par exemple dans le modèle de la goutte utilisé
en physique nucléaire, les collisions entre nucléons peuvent être modélisées comme des collisions de gouttes liquides classiques. Les impact de gouttelettes
sur les parois d'une chambre de combustion jouent un rôle important dans la détermination de la taille finale des gouttes et donc dans les caractéristiques
de la combustion (efficacité, production de pollution). Les impacts de
sprays agricoles et de gouttes de pluie sur les sols et les plantes sont également un sujet d'étude notable.
La théorie des impacts axisymétriques est déjà un sujet relativement
difficile, malgré l'existence de quelques solutions exactes analytiques
dans la théorie des écoulements potentiels plans de fluide parfait.
Les impacts réels mettent en jeu des écoulements visqueux et la théorie potentielle
ne peut donc pas d'appliquer sauf en tant qu'approximation dans certaines
régions de l'écoulement. La tension de surface est également
impliquée d'une façon importante. Enfin des effets compressibles et des effets à l'échelle
moléculaire sont probablement en jeu dans le mince coussin d'air qui se
forme sous la goutte juste avant l'impact.
La dynamique des bulles de gaz offre une très grande variété de phénomènes passionnants.
Ainsi les bulles de gaz éclatant sur une surface, comme vu sur l'image voisine, ont
une évolution très caractéristique, menant à la formation d'un jet central parfois très rapide
et à l'atomisation d'un brouillard de gouttes plus fines sur les côtés. Ce phénomène
joue un rôle dans la formation des nuages comme dans la saveur du
champagne.
Les bulles de gaz
oscillant dans un liquide sont le siège de phénomènes
complexes, telle l'émission lumineuse appelée sonoluminescence
(Voir les références sur la dynamique des bulles.)
Un élément très important pour la compréhension
du mécanisme de la sonoluminescence est que ces bulles ne restent
pas sphériques mais se déforment.
Le calcul de la déformation
des bulles oscillantes est en outre un problème très intéressant
de surface libre.
Une approche systématique nous a permis de mettre en évidence le
rôle de la viscosité dans la formation du jet liquide observé lors
de l'effondrement d'une bulle près d'une paroi.
Une gouttelette se forme à l'extrémité du jet,
d'habitude un ordre de grandeur ou approximativement dix fois plus petite que la bulle initiale.
Cette goutte est projetée vers le haut à une vitesse relativement grande, et cause la
sensation de picotement que l'on éprouve lorsque l'on approche du visage
un verre de liquide
à bulles relativement grandes (comme certaines eaux de table gazeuses).
La difficulté principale des méthodes de calcul d'interfaces est de suivre l'interface sur le maillage, et de transférer au maillage les forces concentrées de façon singulière sur l'interface, comme la tension de surface. Ceci est obtenu par la méthode "à une équation" ou "à frontière immergée". Dans cette méthode on écrit les équations de Navier-Stokes comme si il n'y avait qu'un seul fluide, mais avec des viscosités et densités variables. On ajoute aussi les forces de tension de surface en les étalant dans un petit voisinage de l'interface.
Notre équipe a développé (voir les références sur la méthode VOF) une version originale de la méthode de suivi volumétrique (Volume of Fluid/Piecewise Linear Interface Construction ou VOF/PLIC en anglais). L'originalité de la méthode est de reconstruire l'interface par des segments de droite non-jointifs et de les propager de façon lagrangienne. C'est cette propagation lagrangienne qui se distingue du calcul de flux élémentaire utilisé par les méthodes concurrentes. Nous avons montré récemment qu'elle correspondait à un calcul de flux plus sophistiqué que le calcul élémentaire et conserve donc bien le volume. La méthode a également été testée sur plusieurs cas théoriques et expérimentaux. On obtient notamment un très bon accord avec la théorie des oscillations capillaires de faible amplitude, ce qui confirme la justesse du calcul de la tension capillaire. Enfin les changements de topologie sont décrits correctement lors du phénomène de détachement d'une goutte par gravité.
La méthode VOF est implémentée
en 2D plan et axisymétrique et en 3D dans le
code SURFER
développé par l'équipe de
DALEMBERT et dans le code Gerris développé par
Stéphane Popinet à NIWA.
Nous avons par ailleurs développé
une méthode de suivi en surface ou de marqueurs (voir références sur le suivi de front). L'interface est
alors reconstruite comme une chaîne de splines joignant des particules
virtuelles appelées marqueurs. Cette méthode permet une plus
grande précision notamment dans le calcul des oscillations capillaires.
Institut Jean Le Rond d'Alembert
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