Compte-rendu de la réunion MECAMAT : Interfaces dans les
milieux solides
Singularités
et concentrations de contraintes
LMM,
PARIS, mardi 3 décembre 1996
E. Sanchez-Palencia (LMM
Paris) Vibrations libres, théorie des poutres, singularités, un point commun :
la séparation de variables. Ce premier exposé s'est attaché à établir un
parallèle entre les trois approches, sans manquer d'en rappeler également les
différences essentielles. L'analyse des vibrations libres sépare le temps des
variables d'espace. On retrouve cette séparation dans l'étude des poutres où
cette fois c'est la direction axiale z qui est séparée des deux autres
variables d'espace. Le traitement des deux approches se ramène à la recherche
de valeurs propres et de vecteurs propres (au signe de l'opérateur différentiel
près qui fait toute la différence entre problème hyperbolique et problème
elliptique). Dans le deuxième cas viennent s'ajouter des valeurs propres
défectives associées à l'exposant 0 qui permettent d'exprimer les solutions
classiques de type traction, torsion et flexion.
Le calcul des singularités présente
beaucoup d'analogies avec le deuxième cas, le problème (elliptique également)
est exprimé en variables sphériques (ou polaires en 2D) et la variable radiale
r est séparée des autres. On peut distinguer les exposants positifs des
exposants négatifs et les singularités logarithmiques conséquences des valeurs
propres défectives.
R. Desmorat (LMT
Cachan) Singularités en élasticité plane anisotrope, extension à la plasticité
avec écrouissage linéaire. Le calcul analytique des solutions singulières en
l'élasticité plane anisotrope est réalisé ici à partir de potentiels élastiques
et une généralisation des coefficients de Dundurs où trois paramètres
permettent de mesurer l'hétérogénéité entre deux matériaux. L'extension à la
plasticité avec écrouissage linéaire se fait, sous de bonnes hypothèses, en
utilisant le module tangent après avoir "discrétisé" le matériau
plastique en secteurs suffisamment petits.
S. Andrieux (EDF
Clamart) La singularité épine existe-t-elle dans les applications
industrielles. La singularité épine est un concept qui a été introduit par H.D.
Bui pour décrire des phénomènes liés au manque de régularité des sollicitations
extérieures appliquées à une structure. C'est le cas par exemple du choc
thermique provoqué par le déplacement d'un bouchon d'eau chaude dans une
canalisation. Ceci se traduit par une discontinuité du champ de contrainte en
peau ou même une croissance logarithmique de ce champ. Cette situation se rencontre
également dans des bimatériaux en présence d'une incompatibilité plastique ou
d'une incompatibilité des coefficients de dilatation thermique.
Y. Ousset
(ONERA Chatillon) Singularité de contrainte dans un bi-matériau sous chargement
thermique. Les métaux développent généralement sur leur surface extérieure une
couche d'oxyde qui joue un rôle de barrière pour différents phénomènes.
Malheureusement, en raison à la fois des différences entre les modules d'Young
et l'incompatibilité des coefficients de dilatation thermique du métal et de
l'oxyde, les chargements thermiques provoquent un phénomène nocif d'écaillage
de la surface. La singularité au bord liée à ces écarts est faible et il est
difficile dans les calculs de séparer la partie singulière de la partie
régulière de la solution. La discussion qui a suivi a porté essentiellement sur
l'épaisseur de la couche d'oxyde et sur la difficulté de modéliser l'interface
comme une surface parfaite alors qu'il existe une zone de diffusion entre les
deux corps.
V. Lazarus (LMM
Paris) Fonctions de poids 3D d'une fissure d'interface semi-infinie. En
mécanique de la rupture bi-dimensionnelle classique, les fonctions de poids
sont définies comme les facteurs d'intensité de contraintes d'une fissure
rectiligne soumise à un chargement ponctuel à une distance donnée x de sa
pointe. Ce sont des fonctions de la variable x connues analytiquement. La
généralisation tridimensionnelle de cette théorie est possible, il faut
évidemment rechercher cette fois des fonctions de la variable d'espace x,
distance au front de fissure, et de
Z, position sur le front de fissure.
L'obtention est quasi analytique, seul le calcul d'une intégrale requiert une
tabulation numérique.
F. Creuzet
(Saint-Gobain) Propagation sub-critique de fissures dans le verre. Différentes
images en pointe de fissure dans le verre et la silice sont présentées. Elles
ont été obtenues pour des vitesses de propagation sub-critiques de l'ordre de
1nm/s, grâce à la microscopie à force atomique. Elles mettent en évidence plusieurs
phénomènes. Tout d'abord la localisation de la zone plastique, très réduite
dans le verre, cette zone est totalement absente dans la silice. L'ouverture de
la fissure est supérieure d'au moins un ordre à ce grandeur à ce que prévoit
l'élasticité linéaire. La présence d'une cuvette au voisinage de la pointe de
fissure renforce l'hypothèse de l'élasticité non-linéaire localisée en pointe.
En revanche, il n'est observé aucune déformation résiduelle bien qu'il n'y ait
pas refermeture complète de la fissure. A ces mécanismes, il convient d'ajouter
des phénomènes de vieillissement, il y a migration de certaines espèces vers la
surface de la fissure avec une interaction entre ces vitesses de migration et
la vitesse de propagation. La discussion a porté sur les conditions
d'expérience et notamment sur le fait que la fissure est très vraisemblablement
sollicitée en mode mixte.
P. Coorevits (LMT
Cachan) Prise en compte des singularités dans l'optimisation de maillage.
L'objectif de l'optimisation de maillage est de réduire le nombre d'éléments
constituant un maillage et donc le coût des calculs tout en garantissant une
distribution uniforme d'erreur fixée au préalable par l'utilisateur. La
présence de points singuliers dans une structure peut perturber sensiblement le
procédé d'optimisation et conduire à un "bouclage infernal"
débouchant sur des raffinements inconsidérés au voisinage de ces points. La
procédure proposée effectue préalablement une recherche des zones à fort
gradient et une évaluation du taux de croissance des contraintes. Ce
coefficient n'est autre que l'exposant de la singularité. Un procédé reposant
sur l'évaluation de contraintes moyennes aux noeuds permet alors de traiter ces
zones de manière distincte afin d'éviter les avatars mentionnés précédemment.
L'automatisation de ces processus est effective dans des situations bi et
tridimensionnelles.
G. Geymonat (LMT
Cachan) Singularités dans les joints collés. Au cours de cet exposé, deux
modèles asymptotiques d'interface sont comparés. Ils consitent tous deux à
prendre en compte la présence d'un troisième corps mince séparant deux
substrats. Dans le premier modèle, la raideur de cette couche est supposé
bornée. Le résultat met en évidence, au premier ordre, une interface parfaite,
des discontinuités n'intervenant que dans le terme correcteur. Dans le second
cas, modélisant une interface faible ou dégradée, la raideur est supposée
décroître avec l'épaisseur de la couche. Le modèle conduit à une relation sur
l'interface entre vecteur contrainte et discontinuité des déplacements. Une
telle relation interdit une analyse classique des singularités et on peut
mettre en évidence localement la présence d'une singularité épine due au manque
de régularité des conditions aux bords ainsi générées.
Table ronde. La
discussion a été écourtée afin de ne pas imposer à l'auditoire une journée trop
longue. D. Leguillon a simplement mentionné à cette occasion les moyens dont
dispose le LMM dans le domaine du calcul des singularités. En élasticité plane
et élasticité plane généralisée, des outils simples ont été développés. Ils
font l'objet d'un logiciel exploitable sur PC et dont chacun peut se procurer
une copie auprès du LMM. Le calcul du facteur d'intensité fait appel à
l'utilisation d'un code de calcul, l'outil a été développé dans le cadre de
MODULEF mais des interfaces sont développables aisément pour d'autres
codes. Enfin, le laboratoire dispose
également d'un code de calcul des singularités dans des situations purement
tridimensionnelles, sa mise en oeuvre est évidemment un peu plus lourde mais
toutes les collaborations nécessaires peuvent être établies dans ce domaines
par les personnes intéressées.
D. LEGUILLON