Ecoulement avec Erosion et Sédimentation sur un fond meuble: cas des antidunes

c 22/05/05 à j 11/2005
(Lagrée P.-Y.), LMM-Univ PARIS 6, B 162,
4 place Jussieu, 75252 PARIS
pyl(a)ccr.jussieu.fr
http://www.lmm.jussieu.fr/~lagree/TEXTES/SEDIM/DUNES/antidunes.html


anti dunes, sie kommen!!!
Antidunes à Belle Ile, Port Andro, 23 avril 2005

Mécanisme simplifié de l'antidune (anti-dune)



Il s'agit d'une interaction entre un écoulement et le fond érodable sur lequel il s'écoule: la forme du fond gouverne l'écoulement, ce dernier modifie la forme du fond par érosion et sédimentation.
Ce problème interactif couplé, très compliqué, est simplifié en supposant que l'écoulement est quasistationnaire (la variation de la forme du fond en fonction du temps est supposée lente).
Donc, on travaille à l'échelle de temps lente, à chaque instant (dans cette échelle lente), la forme du fond est fixée, l'écoulement est calculé. Il faut ici distiguer deux types d'écoulements, le cas subcritique à nombre de Froude inférieur à 1, et le cas supercritique.
Les deux cas produisent des structures différentes!
Froude!!!
Sur la photo précédente, (petit canal à surface libre de l'ENSTA) on voit clairement le passage subcritique (fluvial) au régime supercritique (torrentiel) au dessus du premier profil, puis le second profil à droite est en régime supercritique (l'eau vient de la gauche).








Froude!!!
Dune qui descend le courant.
Froude!!!
Antidune qui remonte le courant.
A nombre de Froude inférieur à 1, la surface libre est creusée. On peut montrer que la vitesse est accélérée A nombre de Froude supérieur à 1, la surface libre est bombée. On peut montrer que la vitesse est décélérée



Interprétation physique: cette interprétation est liée au fait que des ondes (des vagues) se déplacent sur la surface et transmettent ainsi des informations à l'écoulement en amont et en aval. La vitesse des ondes dépend de la hauteur d'eau (c0=(gh)1/2). On pose par définition du nombre de Froude:
F = U/c0.
Dans le cas subcritique, la vitesse du courant est inférieure à la vitesse des ondes (U < c0, F<1), les ondes peuvent remonter le courant et "prévenir" l'eau en amont qu'il va y avoir bientôt une bosse et qu'il faut adapter la vitesse: accélérer pour conserver le débit. Par Bernoulli, cette accélération provoque une dépression, le niveau de l'eau baisse au dessus de la bosse.
Dans le cas supercritique, la vitesse du courant est supérieure à la vitesse des ondes (U > c0, F>1), les ondes ne peuvent plus remonter le courant et ne "préviennent" plus l'eau en amont qu'il va y avoir bientôt une bosse et qu'il faut adapter la vitesse: "surprise" par la bosse, l'eau s'accumule devant elle et est brusquement freinée. Par la loi de Bernoulli, cette décélération provoque une surpression, le niveau de l'eau augmente au dessus de la bosse.
Le cas subtil est celui subcritique tel que l'accélération au niveau du sommet est telle qu'elle permet à l'écoulement de devenir supercritique (cf photo plus haut)

Il y a une analogie très forte entre cet écoulement et les écoulements compressibles (air autour des avions à réaction, air dans les tuyères de réacteur...)




Ayant compris l'hydrodynamique, passons à la variation du fond.

Comme les phénomènes d'interaction fluide/sol se produisent par définition près de la paroi, le frottement pariétal est évalué à partir de l'expression de la vitesse.
C'est le frottement pariétal qui provoque l'érosion, les sédiments sont emportés par l'écoulement dans la couche limite. Ils se redéposent ensuite plus loin, modifiant ainsi la forme du fond... et à l'instant suivant, le fond est donc différent... on continue...

En pratique, c'est lorsque l'écoulement est accéléré qu'il érode et lorsqu'il est freiné qu'il sédimente.
Pour la dune, il y a accélération puis décélération, donc érosion puis déposition: la dune se déplace dans le sens de l'écoulement.
Pour l'antidune, c'est l'inverse, il y a freinage, donc déposition, puis accélération donc érosion. L'anti-dune se déplace donc en remontant l'écoulement.

Ici, pour simplifier, on suppose que le frottement est proportionnel à la vitesse moyenne. Nous donnons une théorie simplifiée.











Si l'image ne s'affiche pas:
Antidune qui remonte le courant, film "mov" PYL
Antidune qui remonte le courant, film "avi" PYL






Si l'image ne s'affiche pas:
Antidune qui remonte le courant, film "mov" PYL
Antidune qui remonte le courant, film "avi" PYL









 
En pratique nous proposons un calcul de l'écoulement 
sur une topographie "f" par l'approximation de "Saint Venant" 
(Shallow Water, écoulement en eau peu profonde).

La forme du fond "f" donne "τ" (tau) le frottement pariétal
que l'on suppose strictement proportionel à la vitesse: "τ= C U". Il s'agit d'une approximation forte, mais qui permet de comprendre le phénomène. Pour calculer la vitesse, on a la conservation du flux d'eau: U (h0 + f - η) = U0 h0 Bernoulli (on suppose le fluide faiblement visqueux) et la pression hydrostatique (hypothèse de couche mince) U2 + g η = U02 On en déduit ainsi en linéarisant au premier ordre (en supposant que la hauteur du fond est faible par rapport à la hauteur d'eau ): U = U0 (1 + (-1/(F2 -1)) f) + ... η = (F2/(F2 -1)) f) + ... où F2 = U02/(g h0) on constate qu'un écoulement subcritique (F<1) provoque un creux de la surface libre et une accélération de la vitesse. En revanche, un écoulement supercritique provoque un bourrelet, et la vitesse diminue. Puis, on calcule le flux de matière (conservation de la matière dans l'écoulement) qui est écrit de la manière suivante: q = Ar La quantité de matière dans le fluide varie par perte par sédimentation et par gain par érosion, au final, il est supposé de plus que le terme Ar est égal à la vitesse du fluide en première approximation (K U, K>0, constante qui englobe "C" définie plus haut). La conservation de la masse de sédiments (Relation d'Exner): ∂f ∂q -- = - -- ∂t ∂x
compte tenu de l'expression de q en fonction de U et en fonction de η cela nous donne l'équation d'évolution du fond sous la forme d'une équation d'advection: ∂f ∂f -- = - v -- ∂t ∂x
avec pour la vitesse de déplacement du fond: v = K (-1/(F2 -1)) Si F<1, les dunes ont une vitesse positive, si F>1, elles ont une vitesse négative. Dans ce cadre simplifié, la forme de f ne varie pas!!! Interprétation : si F<1, la vitesse du fluide augmente quand la bosse croît puis diminue quand elle décroît, donc q fait de même. Donc, avant le sommet, il y érosion (∂q/∂x est positif); après, il y a sédimentation (∂q/∂x est négatif). Donc, la bosse diminue avant le sommet, augmente après, le résultat global est un déplacement vers la droite. C'est la conclusion inverse si F>1: la vitesse diminue avant le sommet, il y a donc déposition, après le sommet, la vitesse réaugmente et provoque donc une érosion: on a alors une antidune qui remonte le courant d'eau.





Pour plus de détails on consultera le chapitre 3 de la thèse de Kouamé Kan Jacques Kouakou.